Restauration : le débat sur la TVA réduite est relancé

Les organisations professionnelles soucieuses de la baisse des marges

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L'étau se resserre sur la TVA réduit dans la restauration. Après le premier coup de semonce tiré début septembre par le député Thomas Thevenoud, en charge d'une mission sur l'impact du taux de TVA réduit, la Ministre Sylvia Pinel remet le couvert en annonçant le 10 septembre prochain, une rencontre formelle sur la question, avec les professionnels de la restauration.


Le 1er juillet 2009, le secteur de la restauration obtenait de haute lutte l'abaissement du taux de TVA de 19,6 % à 5,5 % (7 % depuis l'an dernier). En contre-partie de cette « fleur fiscale » de quelque 3 milliards d'euros par an, les professionnels s'étaient engagés formellement dans le cadre du « contrat avenir ». Complété par un avenant en 2011, le contrat avenir définissait des objectifs formels à remplir dont notamment une baisse des prix de 3 % pour les clients, 20 000 embauches, une revalorisation salariale des employés et un effort d'investissement pour moderniser l'outil de travail.
Le non respect du contrat par la profession était assorti d'un éventuel retour à la case départ, autrement dit, le retour à une TVA au taux plein de 19,6 %. Sachant que les caisses de l'Etat sont vides et que chaque niche fiscale doit plus que jamais se justifier, en juillet dernier, la commission des Finances de l'Assemblée nationale a confié à Thomas Thevenoud la mission de vérifier point par point l'impact réel du taux réduit sur la restauration. En attendant les conclusions de cette mission fin septembre, les propos de Thomas Thévenoud interrogé fin août par l'AFP ont fait réagir les syndicats professionnels.

Ainsi, interrogé sur l'aspect investissement des engagements du contrat avenir, Thomas Thévenoud a clairement mis les pieds dans le plat : « J'aurais du mal à justifier que plus d'un tiers de la mesure soit passé dans l'investissement d'entreprises privées qui ne sont pas soumises à la concurrence internationale ». Sur les ondes de RTL le 3 septembre dernier, le député socialiste a précisé encore son opinion en ces termes : « On ne reviendra pas à une TVA à 5,5 dans la restauration. Aujourd'hui elle est à 7, cela me semble rigoureusement impossible de la ramener à 5,5 comme le demande certains représentants professionnels du secteur. »
Interrogé sur l'hypothèse d'un retour à un taux plein, Thomas Thévenoud laisse planer le doute : « Je ne sais pas si on reviendra à 19,6 %. On peut imaginer aussi un taux intermédiaire. Les restaurateurs, les professionnels, s'étaient engagés au moment de la baisse de TVA, sur une baisse des prix, elle a été relativement faible, sur des créations d'emplois... Ils en ont créés des emplois, mais pas autant que ce qu'ils avaient dit. Et puis, le gouvernement à l'époque de Nicolas Sarkozy avait justifié la baisse de TVA en disant il faut aider à l'investissement dans ce secteur là, or moi je considère que l'impôt, la collectivité nationale n'a pas à venir en aide à l'investissement, au développement d'un secteur privé qui est un secteur privé non soumis à la concurrence internationale. Donc, difficile de justifier un statu quo pour cette TVA à taux réduit à 7 %. »


Un bilan controversé

Si, dans l'immédiat les choses ne sont pas encore bien tranchées au sein du gouvernement, aussi bien du côté du taux que du calendrier, la pression s'accentue clairement autour de la TVA réduite.Dans un communiqué en date du 3 septembre, la ministre du Commerce Sylvia Pinel a ainsi annoncé qu'elle recevra les professionnels de la restauration le 10 septembre pour dresser le bilan de la TVA à 7 %. « Le bilan vise à évaluer les efforts consentis par les professionnels au regard des objectifs qui leur avaient été fixés en matière de prix, d'emploi, de formation et d'amélioration de la qualité, en contrepartie de la baisse du taux de la TVA ».
Cette première réunion devrait être suivies par d'autres « tout au long du mois de septembre ». Le communiqué précise que « aucune mesure ne sera prise sans que l'ensemble des acteurs concernés n'aient été entendus et associés à l'élaboration du bilan ».

Quel est ce bilan ? Selon un article publié dans le journal Libération en date du 3 septembre, « les principaux engagements pris il y a trois ans par les professionnels n’ont pas vraiment été respectés ». Ainsi, selon les comptes de Libération, là où le secteur s'était engagé à créer en deux ans, « 40 000 emplois, en plus des 30 000 postes générés «naturellement» par la filière sur la période » soit 70 000 personnes entre juillet 2009 et juillet 2011, l'Acoss n'en recense que « 57 000, soit 13 000 de moins que prévu ». Même bilan selon Libération du côté des prix : ils devaient diminuer de 3 % selon les termes du contrat avenir or, « ils ont simplement été contenus de mi-2009 à mi-2011 » en ne répercutant qu'une légère augmentation de 0,6 % « quand l’indice général des prix progressait de 3,5% ». Et depuis juin 2011 ? Les prix ont augmenté « de 3,1 % contre 1,4 % pour l’indice général des prix.
Autrement dit, les restaurateurs rattrapent aujourd’hui, à marche forcée, la moindre hausse accordée les deux premières années. » Libération note toutefois que sur le volet social, le bilan est plus tangible : « Hausse de la grille salariale, instauration d’une mutuelle, prime annuelle pouvant aller jusqu’à 500 euros: les avancées sociales obtenues en décembre 2009 dans la restauration traditionnelle sont palpables. »


Les organisations professionnelles au créneau

Face à toutes ces attaques à peine masquées du Gouvernement contre le maintien du taux réduit, les organisations professionnelles sont montées au créneau. Hubert Vilmer, président du Syndicat national de l'alimentation et de la restauration rapide (Snarr), a ainsi expliqué récemment qu'une hausse de la TVA aurait pour résultats « des destructions d'emplois par milliers ».
Dans un communiqué, le syndicat s'explique également sur la hausse des prix : « hausse des taxes (TVA à 7%, taxe soda, taxe Eco Emballage), hausse des coûts salariaux, hausse des matières premières, hausse des loyers et de l’énergie accompagnées d’une baisse de fréquentation. La baisse de la marge qui en résulte est estimée entre 4,5 et 6,5 % du Chiffre d’Affaires. »

De son côté, Roland Héguy, président de l’Union des Métiers de l’Industrie Hôtelière, estimait dernièrement que « les trois objectifs ont été tenus dans un contexte économique difficile ». Selon les chiffres de l'Umih, ses adhérents ont contribué à créer 58 000 emplois et en ont sauvé 60 000 ». Dans un courrier de la colère, Gérard Guy, président de la Confédération des Professionnels Indépendants de l'Hôtellerie (CPIH) exprime aussi son mécontentement. « Depuis que nous avons signé le contrat d'avenir nous avons fidèlement et scrupuleusement honoré nos engagements. Nous ne voudrions pas découvrir aujourd'hui que nous avons signé un marché de dupes et que nous serions les dindons de la farce, car alors nul doute que la grogne se ferait entendre dans nos rangs. »

Dominique André-Chaigneau, Franchise restauration©

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